Parler des menstruations a malheureusement longtemps été un tabou en société. La langue française et ses expressions populaires regorgent d'inventivité pour ne pas employer le mot interdit qui “en choquerait plus d’un”.
“Les Anglais ont débarqué !” “J’ai mes coquelicots !” “Mes ragnagnas”
Mais d’où viennent ces expressions si étranges ? Quelle est la signification de celles dont “on ne doit pas prononcer le nom”.
Les culottes de règles Blooming ont choisi de mettre en scène différentes expressions sous forme de plusieurs tableaux.
LES ANGLAIS ONT DÉBARQUÉ
Il est clair que le rouge du sang des règles a vivement inspiré les inventeurs de ces expressions si populaires. Les expressions avoir ses tomates, son cardinal, son feu rouge ou traverser la mer rouge sont évocatrices.
Lorsque l’on parle de l'arrivée de nos voisins d'Outre Manche, cela peut être un peu plus subtil.
La référence viendrait du XIXe siècle. Une formule marquant la fin de l’ère napoléonienne et le passage des troupes anglaises en France. Un lien entre les tuniques rouge vives des Anglais et le sang meurtrier qui a coulé pendant cette période.
Aux États-Unis ou en Angleterre, on évoque "l'Armée rouge” symbolisant l’armée soviétique.
AVOIR SES OURSES
Dans son livre, Ceci est mon sang Elise Thiebaut nous explique qu’avoir ses ourses vient d'une légende de la mythologie grecque.
Une ourse sauvage avait trouvé refuge dans le temple d'Artémis. Apprivoisée, elle partageait la compagnie des Hommes. Mais un jour elle griffa une petite fille imprudente et agitée l'ayant rendue nerveuse.
L'ourse fut abattue par les frères de l’enfant. La déesse Artémis, offensée en son propre sanctuaire, envoya la peste sur la Cité par désir de vengeance.
Athènes devait trouver une solution pour se faire pardonner de ce geste. L'Oracle répondit que les jeunes filles devaient désormais « faire l'ourse » afin d'obtenir la grâce d'Artémis.
Les jeunes athéniennes furent donc envoyées dans le temple pour un rite d’initiation en l'honneur de la déesse. Astreintes à une période de réclusion, elles portaient « la crocote » un vêtement de couleur safran et mimaient l'ourse.
L'enfance était considérée en Grèce Antique comme « un état de sauvagerie ». Il fallait donc être « apprivoisée » pour passer à l'âge adulte.
Elles y apprenaient aussi la musique, la danse, le tissage, le sport, etc.
Les règles étaient aussi considérées comme un rite de passage vers l'âge adulte chez les jeunes filles. En échange, la déesse Artémis assurait une protection divine aux femmes pour accoucher sans danger.
AVOIR SES FLEURS, SES COQUELICOTS, ETC.
Le terme “fleur” fut souvent utilisé pour parler de la ‘fleur génitale” des femmes. Un terme venant du latin “flos” signifiant “la meilleure partie”. En biologie, c'est l'ensemble des organes de reproduction et les enveloppes des fleurs, qui germeront en délicieux fruits.
Philippe Brenot dans son livre “Les mots du sexe” (aux éditions l’Esprit du temps) explique qu'au XVIe siècle,les sages femmes avaient pour habitude de dire “qui ne fleurit , ne graine”.
Pour l'anecdote, l'étymologie “flos” ressemble étrangement à celle de “fluor” qui vient d'écoulement. Cela aurait-il un lien avec l'écoulement de notre fleur ?
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AVOIR SES RAGNANAS
Selon certaines mauvaises langues, l'expression « Avoir ses ragnanas » imiterait l’onomatopée d'une femme de mauvaise humeur. Pourtant si nous cherchons sa signification, son étymologie serait beaucoup moins négative que l'on ne le croie.
Bien au contraire, elle viendrait du mot gascon « arouaaah » qui signifierait « désir » ou « envie ». Les règles sont le recommencement d'un nouveau cycle, donc prélude au désir.
À L'ÉTRANGER
À l’étranger on peut souvent recevoir la visite de “Aunt Flow” pour les américains (flow se traduisant par flux), d’un cousin en Allemagne, du marquis en Italie et même d'un certain «Michel » au Québec.
Les finlandaises sont plus gourmandes et parlent de leurs « framboises » tandis que les hollandaises se réfèrent aux voitures de luxe et garent « la Ferrari devant la porte ». Pourquoi pas !
Des expressions mignonnes et rigolotes qui font partie de notre quotidien, mais qui restent un moyen de dissimuler des règles encore taboues.
Une bonne résolution pour réinventer sa routine menstruelle ? Ne plus avoir peur de dire : « J'ai mes règles ! »
Sources :
Ragnagnas ou drapeau rouge - LIbération (2008)
Ceci est mon sang, Elise Thiebaut éditions La Découverte (2017)