Elles étaient surnommées « las hermanas Mariposas », autrement dit « les sœurs Papillons ». Un bien joli pseudonyme pour ces trois femmes au destin tragique. Patria, Minerva et Maria Teresa Mirabal sont devenues héroïnes et martyres dans la lutte menée contre le dictateur Rafael Trujillo, à la tête de la République dominicaine entre 1930 et 1961. La nuit tragique de leur disparition a été choisie par l’ONU comme date symbolique de la lutte contre les violences faites aux femmes. Blooming (marque de culottes menstruelles pour une plus grande liberté des femmes) revient sur l’histoire de Las Mariposas, les sœurs Papillons qui rêvaient d’un monde plus juste…
Qui étaient les sœurs Mirabal ?
Patria (née en 1924), Minerva (1926) et Maria Teresa (1936) sont nées à Ojo de Agua, dans la commune de Salcedo, en République dominicaine. Filles d’un riche couple de commerçants de l’Île, elles ont également une quatrième sœur, Belgica Adela, née en 1925. En 1930, Rafael Trujillo accède au pouvoir au terme d'élections frauduleuses, et met en place l’une des dictatures les plus terribles qui ait existé. Toute opposition au despote est aussitôt réprimée dans le sang. Anticommuniste, conservateur et xénophobe, il fera assassiner, dès 1937, entre 20 et 35 000 Haïtiens immigrés pour raisons politiques.
Alors que la terreur règne, la population s’appauvrit de jour en jour, et le dictateur impose aux habitants de l’île d’apposer une plaque sur leur maison mentionnant "Trujillo est Dieu ». Les sœurs Mirabal, surnommées Las Mariposas, sont encore étudiantes et déjà très impliquées en politique. Minerva, alors déjà connue pour ses pensées libertaires et sa beauté, attire l’attention du chef d’État, connu pour être également un redoutable prédateur sexuel…
En 1949, les sœurs Mirabal sont invitées à une réception donnée dans la résidence de Rafael Trujillo. Minerva commettra deux affronts irréparables : refuser les avances du dictateur et plaider la cause de Pericles Franco, un ami communiste fondateur du Parti socialiste populaire, incarcéré à plusieurs reprises pour raisons politiques. La famille Mirabal parviendra miraculeusement à quitter la soirée sans encombre. Elle le paiera plus tard…
Le destin tragique de Las Mariposas…
Suite à cette soirée désastreuse, Las Mariposas et les membres de leur famille feront l’objet d’espionnage et d’arrestations arbitraires qui conduiront au décès du père, en 1953. Trujillo finira aussi par interdire à Minerva, dès la fin de ses études de droit en 1957, d’exercer la profession d’avocate. Elle était alors la première femme docteure en droit du pays, reçue avec les honneurs.
Encouragée par la chute de nombreuses dictatures d’Amérique du Sud, Minerva crée le Mouvement Révolutionnaire 14 Juin, aux côtés de son époux Manolo Tavárez Justo, avocat communiste et guérillero dominicain. Le but de ce mouvement d’extrême gauche – aussi connu sous le nom de Groupement Politique 14 Juin – est clair : en finir avec le régime de Trujillo. Parmi la centaine de membres actifs, deux des sœurs de Minerva : Patria et Maria Teresa, ainsi que leurs époux respectifs.
Emprisonnées et torturées à de multiples reprises pour atteinte à la sécurité de l’État, Las Mariposas seront condamnées à cinq années de prison, à la suite d’une vaine tentative de putsch soutenue par Cuba. Elles sont libérées en août 1960, alors que leurs époux purgent des peines bien plus longues. Les sœurs Papillons n’ont plus que quelques mois à vivre.
Le 25 novembre 1960, alors que les trois sœurs se rendent à la prison de Puerto Plata pour visiter leurs maris, la voiture qui les y conduit est interceptée sur une petite route de montagne de la Cordillère Centrale. Leurs corps, battus à mort et cruellement mutilés, seront retrouvés dans la voiture, elle-même poussée au fond d’un précipice. Un massacre maquillé, orchestré par le dictateur, qui voyait en elles une réelle menace et des concurrentes de taille.
Elles avaient 25, 34 et 36 ans et n’auront jamais connu la démocratie pour laquelle elles se seront battues toute leur vie. Mais leur mort n’aura pas été vaine. Indignée par cet « accident » de trop, la population se soulève et les contestations isolées se transforment en véritable guerre civile. Le 30 mai 1961, Trujillo sera à son tour assassiné. Des quatre sœurs Mirabal, seule Belgica Adela survivra. Elle est encore aujourd’hui la gardienne de leur histoire.
25 novembre : Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes
En hommage à Las Mariposas, un musée en leur mémoire a ouvert ses portes à Ojo de Agua. Depuis 2007, un billet de 200 pesos porte l'effigie des trois sœurs assassinées, et Salcedo, la province qui les a vues naître, est rebaptisée Provincia de Hermanas Mirabal.
Mais surtout, l’ONU a choisi de faire de ce 25 novembre la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Depuis 1999, cette date est non seulement l’occasion d’honorer la mémoire de Las Mariposas, mais également de rappeler que la violence contre les femmes est :
- une violation des droits de l’homme ;
- une discrimination et le reflet d’inégalités entre hommes et femmes ;
- un problème mondial (presque 70% des femmes sont victimes de violences au cours de leur vie) ;
- loin d’être inéluctable.
« S’ils me tuent, je sortirai les bras de la tombe et je serai plus forte. » Minerva Mirabal